Le vol vers la Suisse , 245 Km , 8h30

Le vol vers la Suisse , 245 Km , 8h30

Le vol vers la Suisse , 245 Km , 8h30

C’est par une belle journée de fin avril (le 22 exactement) que nous nous sommes donné rendez-vous pour aller décoller à Aureille. Météo parapente annonçait beaucoup de vent du sud sur Lesches, Solaure et le Col de Rousset. Sur une (excellente) idée de Walter, nous avions opté pour Aureille qui était prévu moins venté. Quand on veut faire des kilomètres en cross sur axe (c’est à dire sans retour au point de départ), il faut oublier la récup de la voiture, et même le mieux est d’oublier aussi sa propre récup (le retour). Comme j’avais envie de voler loin, je m’étais arrangé pour ne pas prendre ma voiture. Et j’étais prêt à dormir n’importe où.
En gros, j’avais tout prévu ! J’avais prévu une cagette de légumes pour chaque chauffeurs (pour payer mon horrible acte de les laisser se démerder avec les bagnoles et voler avec la conscience tranquille) (bien que Corinne en changeant d’avis sans prévenir n’a pas pu se faire de soupe), j’avais aussi prévu à manger dans ma sellette, (barres substitut de repas) (en test), 3 litres d’eau (trois), un tuyau à pipi,(jambe gauche, le côté du cocon qui s’ouvre le mieux) des habits chauds, une cagoule pour les UV et le froid, lunettes, gants chauds, gps et radio chargés, 50 euros en liquide, carte bleue…..et un gros moral. C’est important le moral. Surtout face au vent du sud.
22 km/h indiqués par le Gps après quelques tours dans le thermique. En gros, on se décalait beaucoup en enroulant les thermiques d’Aureille ce jour-là . On sentait bien que le sud forcissait doucement. Mais j’avais décidé de sortir et, j’ai fini par trouver un thermique (inconfortable) qui m’a permis de traverser la moitié de la vallée derrière le site. A partir de là, j’ai essayé de m’écarter vers la vallée de Lus la croix haute en me disant que là-bas, je devrais pouvoir poser même si le sud forci encore. Gros doute sur la première arrête où je suis à l’arrêt face au vent, j’enroule un truc tout couché et sors de là par le haut, OUF! Sauvé, sinon, j’aurai été dans la merde.
Trace du vol (cliquez sur ce lien) : https://www.syride.com/fr/pilotes/sam_de_die/457871
C’est la partie du vol où le gros moral m’a servi. Quand j’ai vu que j’avançais rien, avec ce vent, j’aurai pu décider d’arrêter , pousser le barreau et aller direct me poser. C’est tout dans la tête. J’avais envie de voler loin, j’ai focalisé sur l’objectif : rester en l’air. Kiki, lui n’a pas dû emmener les même choses que moi, il annonce qu’il laisse tomber et va se poser vers chez lui. Je réponds pas mieux que « reçu Franck », je reste concentré.
Je saute sur la Toussière, et là, c’est les vautours qui me montrent les 2 ou 3 thermiques suivants. Grâce à eux, le vol prend une autre tournure, je suis haut (ça brasse mais je suis haut) et c’est beau. Et en plus, ça avance facile poussé par le vent dont je ne me soucie plus. Il est devenu un allié. (je suis haut). Je continue le rythme des crosseurs, thermique, transition, thermique, transition, … c’est beau , je passe à coté du mont aiguille, j’entends les appels radio de ceux sur Aureille, qui vont se poser. Je pense à vous tous, parce-que là , à ce moment là, le passage à coté du mont Aiguille est juste trop magnifique, vous méritez tous de voir ça. (alors je prends une photo )
Au Serpaton, il y a une voile qui ne monte pas, et je crois en voir d’autres qui sont au déco pas encore dépliés. Un coup d’oeil pour voir que la voile en l’air avance vers le sud. très bonne nouvelle ! Je comprends pas ce qu’ils foutent, celui qui arrive pas à monter et les autres qui sont pas encore en l’air…?? Bref, j’ai autre chose à faire : thermique, transition, thermique, transition, et admiration.
J’arrive facile sur les 2 soeurs, monte facile au dessus et c’est parti pour l’autoroute. (y a personne, pas une seule voile)(je ne comprends pas). Arrivé au bout . ATTENTION !!!! pas de conneries !!!! 2 jours avant, j’ai perforé la ZIT de Grenoble et mon vol à 160 pts ne fût pas déclarable en CFD. Ce coup ci léger stress, ne pas faire de trou dans cette foutue ZIT (4000 ft, ça fait 1250m d’altitude environ), faut passer au dessus. je suis assez haut, ça devrait le faire, j’ai des doutes sur les varios en sortant du relief, si je suis trop sous le vent des thermiques… je peux perdre beaucoup d’altitude…. Poussage de barreau à fond, j’arrive rapidement à quitter la zone descendante, coool ! Le sud pousse un peu, la finesse est bonne, ça va passer !!
Je mange un bout. Attention avec le chocolat des barres. Si un morceaux tombe dans la sellette, avec tes gants, tu le récupères pas tout de suite, il se perd, tu le laisses là. Et ben tu sais quoi ??? ce chocolat si bon au départ, se met à fondre sur ton pantalon, s’étaler avec le frottement contre les cuissardes et te faire une grosse tache marron sur le devant de ton jean. Toi lecteur , tu te demandes si le problème est vraiment important face à un vol comme un oiseau dans le ciel sublime. Et OUI, c’est hyper important, parce que pour voler loin, tu dois oublier ton retour, tu dois donc avoir confiance en ton retour, et un retour en stop avec un pantalon taché c’est pas pareil ! Donc tu ouvres tes sachets en essayant de pas polluer avec le plastoc et de ne faire tomber le chocolat que dans ta bouche.
Et puis t’arrive au dessus de la Chartreuse, Autoroute N°2. Pas encombrée, mais y a du monde. C’est super pratique. Un parapente, c’est plus facile à voir qu’un vautour. De toute façon, c’est l’autoroute, tu te poses pas de questions, c’est tout droit ! Je passe assez facile à l’étage Dent de Crolles, c’est beau. Il y a des voiles de compètes, des voiles débutants, et tout le monde est là dans ce magnifique paysage (les falaises, pas la vallée, elle est pourrie la vallée, mais tu regardes là où c’est beau, c’est tellement beau).
C’est du pur plaisir ce vol. Pour une fois que je vole et que le paysage défile vite . Je suis bien. Je commence les premiers calculs. Distance parcourue / temps passé = vitesse moyenne multipliée par temps de vol restant = distance possible à faire, si j’ajoute la distance déjà parcourue ….ouch, ça fait 200 + !! Cooooll !! Vu les plafonds, les conditions d’instabilité, je sens que je vais voler longtemps. ça tombe bien j’en ai super envie. (le moral c’est important, le parapente, c’est tout dans le cerveau)
Arrivé au bout, au Granier, je passe par la droite parce que l’autre jour ça le faisait bien. Je vois bien que ça doit le faire côté ouest mais je crois en le côté à l’Est (j’ai vu 2 gypaètes l’autre jour ici, ils faisaient le plein avant de transiter sur les Bauges). mais au moment de partir en transition, je suis pas au plafond. Attention ! pas de conneries ! Honorin ou Arnaud et sa boom seraient partis de là, sans se poser de questions mais moi, je préfère assurer. demi-tour. (c’est pas bien, ça perd du temps) Mais, je préfère assurer, demi-tour ! je retourne sur les cailloux au soleil en face ouest, assure un vrai plein, (genre j’ai du mal à voir le sol) je contourne le nuage à moitié dedans, (pas vu de planeurs aujourd’hui, gaffe quand même, ils ont une base juste en dessous). Et pis Go, full barreau pour passer les descendances, transition. Chocolat, photos, estimations sur le point de raccrochage, optimisation de la finesse, observation des 2 autres voiles qui sont parties devant, et nickel, j’arrive plutôt haut sur les Bauges.
Alors là, il faut que j’explique que : le Vercors et la Chartreuse, je les avaient parcouru 2 jours avant et que: les bauges je les avais traversées 2 fois les 2 jours encore avant. Genre, j’ai une impression de savoir où aller, et comment négocier le truc. (c’est surement pas parfait, mais j’avance quand même assez vite et avec l’impression de facilité). D’ailleurs j’ai encore cette impression , celle que le temps s’est arrêté, l’espace bouge mais pas le temps. C’est incroyable comme ça vole vite aujourd’hui. J’avance,le paysage défile, et l’heure ne bouge pas. J’adore ça, c’est super cool !! Re-calculs, et ça tombe encore sur 200 ! Bien !
Les conditions sont parfaites, gros plafs, vent qui pousse, déjà plein de bornes parcourues, pas froid, pas fatigué, bien dans la tête, tout les voyants sont dans le vert.
Je parcours les Bauges sans soucis, (je fais quand même gaffe de ne pas m’enfermer dans les nuages, à des moments, c’est + 4 m/s en ligne droite pendant longtemps) . Quand t’as ce genre de soucis en cross, c’est que tout va bien !
J’arrive vers Annecy, J’ai qu’une vague idée de où je vais mais j’y vais. Ah oui, ça fait toujours drôle de passer au dessus de toute cette eau.
J’élabore un plan : Ce sera d’abord les dents de Lanfon, et ensuite direction la Suisse. On passera par le Lachat de thones et ensuite….impro ! Puis, je colle au plan, ça marche bien.
Le Lachat de thones m’offre le premier thermique que je refuse. Après 4 tours dedans, je m’enfuis (ça tapait avec presque +7 en instantané). Mais, j’ai une bonne excuse, je vois des falaises un peu plus loin, j’irais enrouler là bas. Tu parles, pareil ! je passe un premier + wouat mile sans enrouler (ptètre la fatigue qui se fait sentir) et je trouve un machin enroulable. Et là c’est l’inverse, je pleure que ça monte pas assez…je veux monter !!! ça monte à +2, +3 et je ne suis pas content. C’est une sacrée journée !
J’arrive pas à rejoindre le nuage. Bof, pas trop grave, je suis déjà bien haut. (mais on sent la baisse de combativité, 2 heures avant j’aurais caressé le cum). Je commence à regarder au loin (tout près, c’est super hyper beau, je fais quelques photos) mais au loin il y a un truc qui me dérange…… Je passe sur le Jalouvre, galère un peu. je cherche, je trouve rien comme bon thermique… Et le truc me dérange de plus en plus….
Entre moi et la Suisse, il y a une partie genre grande vallée, pas vraiment de reliefs, ou alors pas bien exposés par rapport à la brise, vide de cumulus, le truc pas engageant, le truc ou tu risques de poser…Le truc où tu sais qu’en plus le stop va pas bien marcher, le truc avec plein d’usines et du béton, pas beau, moche, je veux pas aller dedans !! Je cherche des solutions….Varan . ouaip, Varan, c’est sûr que ça le fait (il y a un gros cum dessus) mais c’est un peu loin et pas du tout sur l’axe que je me suis fixé (vent dans le dos) et en plus il y a beaucoup de neige tout le long avant d’y arriver. j’élimine Varan.
je vois une voile de compète devant au loin sur la plaine. le mec arrive du lac léman…je comprends pas d’où il arrive et il est haut en plus (plus tard, assis devant l’ordi à la maison en regardant les traces du jour, je comprendrais que des mecs (Joanna était pas là) sont passé à ma gauche, au dessus de petits sommets, là où il y a moins de neige, et que visiblement, c’est passé super bien.) Je trouve pas de solution facile. … et puis en observant, je reconnais au loin ces montagnes. j’ai fait des compètes ici. je cherche le nom du quartier, impossible de me souvenir, mais c’est sûr à 100 % si je rejoins la falaise là bas, (Ndlr : le Criou) je pourrais me coller sous le nuage (il ne reste plus beaucoup d’autres nuages ).
Faut que j’arrive là bas. Je reconnais le coin, il y a moyen de se refaire sur la crête intermédiaire, je le sais, je me rappelle, c’est un coin où la brise est soutenue, mais ça va me permettre de pousser jusqu’au pied de cette falaise ouest exposé pleine brise (toujours Le Criou), celle qui va me sauver la vie ! j’y crois. C’est ok, décidé, pas de regret, je pars en transition direct au dessus de la vallée pas engageante.
Et ça se passe bien ! magique ce vol ! Plus j’avance et plus je sens que ça va passer, je vais arriver à raccrocher. Un peu avant, je vois un bi qui sort de la station de ski à côté de moi (plus bas , beaucoup plus bas) et qui fonce au même endroit que moi. Cool, ça va faire un indicateur. (y avait pas vraiment besoin mais en fin de vol, le moral est plus aussi puissant qu’au début alors, on se cherche des points positifs !) L’indicateur arrive sur la face pas longtemps avant moi, l’indicateur se met à monter disons particulièrement bien, (c’était exactement ce qui était prévu, une base de lancement pour la lune ce Criou) j’arrive aussi et peux enfin profiter du mélange de joie et d’appréhension (je fatigue) que de monter dans un thermique ou le vario passe de +3 à +5 puis à +2 puis de nouveau fort puis…. bref, je fatigue mais j’en ai rien à battre, çA MONTE !!!!!! Vive la montée !!!, Go to the moon, go to the Suisse, go ! go ! go !
Bon, je suis sous le nuage, je vois un nouveau paysage (à ma droite, du beau, grosses et hautes montagnes avec des sommets aux environ de 3000 , grosses faces enneigées, du blanc partout, pas de traces de vie humaine, rien que de la montagne) . Je comprends que la route vers la droite (le sud) c’est niet. Devant ? bof, c’est tellement haut ces reliefs, coincés contre la base des nuages que je vais à peine pouvoir passer. Ok, ce sera donc un petit détour par la gauche. Let’sgo !
Tiens, ça , c’est la Suisse, la vallée qui apparaît, c’est la suisse. problème, même en étant collé sous le cum à 3000, je suis à peine au dessus du relief, et après, ça descend, donc…je vais être sous le vent….===> Calcul . Tout parapentiste plongé sous le vent à une chance de s’en sortir sans se poser (vivant) inversement proportionnelle à la vitesse du vent qui va le faire descendre au fond de cette vallée… solution : coller le relief du bord de vallée , et se dire que le vent est pas si fort. (c’est vent +brise) . En fait, il est pas fort…10 ou 15 km/h environ, pour la survie, ça va le faire, pour ne pas se poser, faudra assurer !
je pars, je colle le relief, jette un oeil par un col à droite, c’est magnifique, le GPS me réveille : Alerte pénétration SIXT fer à cheval 300m/sol . Merde, faudrait pas se faire invalider la trace du vol où je pose en Helvétie. Je m’écarte, disparition du message, mais vario qui chute…..-2.2, ça va encore…. je crois que je ne pousse pas le barreau, j’ai plus le jus.
Par contre se profile pour moi le dernier obstacle : La vallée du Rhône. Réputée pour ses posés en marche arrière. j’ai entendu de mes propres oreilles la brise faire chanter les câbles des lignes électriques dans cette vallée tellement ça soufflait fort. Là bas, c’est de la brise mais tu peux appeler ça comme tu veux , c’est rien à coté de tout ce qu’on connait, c’est ultra violent.
Donc pour moi commencent les grands questionnements : Quelle sera la force du machin ultra violent vers 19h00 quand je vais arriver dans la vallée ?, à quelle altitude elle monte ?, vais je arriver à passer par dessus ?, vais je poser dedans…..?
Dans ces cas là, je fais du parapente ===> Monter !
Je vise le premier relief qui me parait face au soleil et au vent. Raté, un détour pour rien, le vario bipe pas. (je le savais, c’est de la merde ces Syride, le GPS est approximatif, le son est merdique, et il veut pas bipper maintenant que j’en ai vraiment besoin). je me colle dans les arbres, quelques tours dans un pseudo thermique encouragé par des hirondelles qui ne font pas le printemps, pas la vaisselle , qui foutent pas grand chose en fait. et je continue. au dessus d’une coupe de bois, AH !! bruit du vario !! mais ouch, c’est tordu le truc… une succession de boulets de canon pas plus gros que mon poing. Je suis un bon pilote, je reste calme, je vais pas me laisser faire, il est pas question de se poser, je suis bien ici, j’adore enrouler les thermiques, elle est super ma voile, c’est vers le haut que je vais, satané thermique je te tiens, je te lâche pas!
…. ça monte mais j’arrive pas au nuage. y a quelques barbules au dessus de moi, mais j’arrive pas à me placer pour y aller. je voudrais monter encore plus haut. (c’est que le relief à coté de moi, magnifique lui aussi, est très haut !) . je sens que la fin approche, le soleil est bas sur l’horizon, mais j’ai pas envie que ça s’arrête, je voudrais continuer encore une heure ou deux… Je continue vers la suisse profonde, (enfin, je sais que je vais pas aller loin).
Début de la transition de la vallée du Rhône, moment historique, engagé à 2730 m d’altitude.
Coup d’oeil en bas, recherche des 2 éoliennes, (je connais le quartier et de plus beaucoup d’éoliennes) elles sont là ! Hoh putain, elle tournent à bloc. Salxpxrie ! il y a GRAVE de brise !! Ah ouaip, je le savais, cette vallée, c’est pas un terrain de jeu, c’est un piège…. Bon…ben on continue hein ? tout droit, et on verra bien si elle monte haut cette brise. Doit bien y avoir moyen de poser dans les champs en face, en altitude, ptetre même de dormir là et de repartir demain en volant.
Je relâche tout, je me laisse glisser dans l’air, c’est calme, c’est le soir, la lumière à baissé, j’ai bien volé aujourd’hui, c’est cool. Je regarde autour de moi, et en bas. Tiens ? ! un aérodrome , bon, je suis vachement haut encore. (donc pas de problème de zone interdite) Mais attend, ils auraient pas une manche à air sur leur terrain ?? …. Je crois que de toute ma vie je n’ai jamais essayé de jumelllllliser mes yeux comme ça !, ce jour là, à ce moment là, j’ai vu un truc minuscule, un truc tout petit petit qui ressemblait à une manche à air d’aérodrome, avec son ombre juste à coté, et ce truc, indiquait : vent nul….ouaip, vent nul…..et le pire , c’est que à l’autre bout du même aérodrome, il y avait une autre minuscule lointaine manche à air avec son ombre aussi juste à coté et en poussant ma vue au maximum, dans un putain d’effort oculaire, le verdict était identique, …. vent nul .
je tire tout droit. je vois un champ posable, je ne crois plus trop aux thermiques, il est tard… Le sol approche, je vais pas avoir ce champ, je suis juste un peu trop bas. Bon, ben, c’est la fin du vol, je tourne, vers ce village , comme ça , juste pour mater les chalets confédérés depuis le ciel.
Je décide de poser dans la vallée pour optimiser le retour. Je me colle au relief, les pieds dans les arbres. J’entends les oiseaux qui chantent de partout en dessous et à coté de moi. L’air et fluide comme de l’huile. C’est le couché du soleil, je touche à peine les commandes, je laisse glisser. J’ai du mal à croire que je n’aie pas encore rencontré la brise. Pourtant, elles tournaient fort ces éoliennes…j’avance en volant vers mon retour….ce sera un maximum en stop, parce que c’est le truc que je sens bien. je regarde ou poser pour pouvoir traverser facilement l’autoroute et le Rhône. y a pas trop d’options….je continue jusqu’où la voile me porte.
j’arrive au dessus de quelques champs posables mais cultivés. et en trouve un en herbe. tout est calme les petits suisses font la promenade du soir sur les petites routes entre les champs. Posé, fin du vol.
Je mets un peu de temps à plier ma voile. Je suis zen, un mélange de heureux et satisfait. Je branche le tél, et je vais balancer le whattsapp qui déchire : avec le petit drapeau suisse. j’ai le sourire !!! AH Ah enfin, ça fait au moins 10 ans si c’est pas 15 ans que j’entends des plaisanteries sur un éventuel posé d’un Diois en Suisse. Yes , c’est fait !!!
Je plie. Il n’y a pas un pet de vent, rien. Je comprends donc que cette vallée n’est chaude que à partir de l’endroit où elle se rétrécit, justement là où se trouve les éoliennes. (Mais par contre jusqu’à Brig !, c’est à dire 90 km non posables !)
J’écarte l’idée du retour en volant…j’ai rendez vous avec ma copine demain à midi. et si j’arrive à rentrer, c’est double récompense. (vol + copine). (franchement, le retour en volant, la prochaine fois, faudra le tenter !)
-Bonjour madame, vous savez si il a des bus ou des trains à cette heure ci ?? -Monsieur allez donc voir à la Gare , c’est là bas. ok, un peu de marche à pied.
Arrivé proche de la gare, je croise un parapentiste, hep salut, tu sais comment rentrer en france depuis ici ?? Petite discussion et je photographie l’écran du tél du gars qui à une appli pour les horaires de train. mon itinéraire sera : aller dans le mauvais sens rejoindre une grande gare pour prendre un autre train qui va à la frontière (Saint-Gingolph). prise du billet , un seul, je vais resquiller…train 5 minutes, gare, achat d’un bout de tarte aux pommes, (chocolat très cher) et hop départ du train N°2. Je monte et tombe sur un autre parapentiste. Un petit suisse qui reviens d’un cross de 100 km. cool, on parle de parapente bien sûr. il descend et qui arrive ?? Le contrôleur arrive. Discussion…c’est pas vaaalààààble comme billet…oui monsieur mais j’ai fait trop vite, j’ai pas tout compris… Bref, j’ai resquillé et il a été cool.
je sors du quai de la gare, la nuit est tombée, et m’aperçois que la douane et juste dépassée. je suis en France. Petite marche et branchement de tél. Appel à chérie pour partager les émotions; Chérie parle beaucoup. Sam fait du stop mais ça marche pas. il voit passer beaucoup de voitures . Je suis en territoire anti-stop (la ôte Savoie) je ne vois passer que des bagnoles styles Porsche, Maserati, et gros 4×4 (qui ne sont jamais montés sur autre chose que des trottoirs), dont la moitié immatriculées en Suisse. je sens que ça pourrait bien durer longtemps ce retour. Finalement je range le téléphone, me recentre, me pose les bonnes questions. Et bouge : retour à la douane. Lumière, voitures qui roulent lentement, place pour qu’elles puissent s’arrêter, j’ai les ingrédients. je m’habille visible, sportswear, j’ai pas de chocolat sur le jean cette fois ci, le mec à qui tu marierais ta fille quoi !
Et ça marche !! un 4×4 Volvo suisse me prend ! et me fait faire plein de kilomètres ! 65 ! , plus d’une heure de route avec un mec sympa, qui revient d’une course sur un glacier. Bref , ça commence bien ! il me pose à l’autre douane, celle qui sort de Genève. . Lumière, voitures qui roulent lentement, place pour qu’elles puissent s’arrêter, vous avez compris. ça marche, presque cash !
En 2 voitures de plus je suis à Annecy. 100 km déjà parcourus . il est minuit.
Je traverse Annecy à pied. Consultation des horaires de train sur le tèl, message en rouge qui s’affiche : « La SNCF vous recommande de reporter votre voyage« . Ok, grèves… J’ai un train à 5h du mat pour Grenoble….mais s’il ne part pas, j’aurais pas avancé. Il est tard, faut trouver un endroit pour dormir, mais en optimisant pour demain. Annecy à pied, c’est grand… Je pense dormir au bord du lac, me cacher derrière un buisson. (avec mon sac à plus de 4000€) . Mais plus je marche vers le lac, moins l’option me parait zen. Problème ===> solution ! Je vais laisser tomber le train, et aussi l’option stop direction Chambéry, car il faudrait marcher demain matin pour aller à la bonne sortie d’Annecy, c’est galère. Je pars vers le bord du lac direction Doussard, je dormirais au bord du lac après être sorti de la grande ville, et demain je stopperai par Albertville. Je le sens bien. Je pose le pouce dès que je suis sur l’axe qui sort d’Annecy.
Beaucoup d’eau à Annecy, le lac est plus haut de au moins 1.5m que son niveau normal, c’est beau, on voit les terrasses en pierres normalement au bord de l’eau noyées, c’est bien éclairé, les petites fleurs, manque que les cygnes. Une voiture s’arrête, le gars me propose 3 km, je prends. Il me pose pas loin d’une église, je vais voir si c’est ouvert, non, je fais le tour, le lac est juste là, c’est calme, la brise descendante est bien froide, je cherche à me mettre à l’abri, contre le mur de l’église, je pose le camp. (en gros, je sors toutes mes fringues de vol, je les enfile, et je prends la mousse de la sellette comme oreiller).
Il fait pas chaud. Je me réveille quelques fois, me protège du vent avec le sac. PAS QUESTION de m’enrouler dans une voile light aussi précieuse. La brise est super froide. (elle doit descendre de montagnes enneigées….) Je me caille…
Bref, à 5h du mat, je ne dors plus , j’attaque le stop avec les premières lueurs du jours. Un mec s’arrête, visiblement pas plus réveillé que moi, il m’emmène à Albertville en écoutant du hard, ça roule !
Je tente encore la SNCF en marchant jusqu’à la gare. « La SNCF vous recommande de reporter votre voyage ». c’est marqué en rouge partout, et en plus pas un seul train pour Gre. Ok, marche et stop. ça marche plus que ça stoppe. Je perd patience…Mon rendez vous de midi sent le lapin. J’informe Chérie . pas de soucis. Elle me conseille blablacar. Je pianote sur le tél pour trouver un départ. y en a un ! pendant que je réserve la place Mamie s’arrête. Elle va à Chambé. Cool Mamie, go !. Sur l’autoroute, Mamie conduit pas très bien, les gens la klaxonnent un peu, elle est pas contente des gens qui conduisent trop vite. Mamie change de file sans regarder dans ses rétros, c’est particulièrement chaud, surtout quand elle passe de file de gauche ( file télépéage) à bord droit de l’autoroute juste après le péage pour me poser. Mais mamie elle se laisse pas abattre, elle gueule autant que ceux qui la klaxonnent. Merci à Mamie. (fais gaffe quand même) Je sors du véhicule .
wrong side of the autoroute. La flemme de marcher. Il fait beau et chaud, j’emmerde la terre entière, les caméras, les flics et le personnel de l’autopista. Je me la joue Mamie, je me traverse les 2 files de l’autoroute en courant, escalade du grillage, top, faut disparaitre vite mais je suis du bon coté pour le stop. Petit coup d’oeil sur googlemaps pour trouver la direction vers le prochain stop spot. il est pas loin. Blonde s’arrête, elle conduit bien. OUF! Grenoble, Bus, Tram, Bus jusqu’au pied du Vercors, stop, Lans, stop, St Agnan, stop, Die. Il est environ 14h30. Le retour s’est très bien passé, avec des gens sympa (Mamie aussi). J’aurai pu rentrer en partie en volant….je regrette un peu….
Ce vol m’aura rempli d’émotions et d’images pour les 3 jours suivants. J’ai bien profité.
Finalement, en écrivant ce texte, je m’aperçois que c’était plutôt facile. J’ai beaucoup pris de plaisir. J’étais beaucoup dans le vol, le contact avec l’environnement. Bien sûr, il n’est pas question de relâcher la vigilance, sinon, t’es vite posé ou tu n’avances plus… D’habitude, il faut choisir entre performance et plaisir pur. Ce coup là, j’ai bien mélangé les deux.

J’ai enfin trouvé la voile qui me convient……
J’espère que ce récit va vous faire rêver, vous porter chance pour vos prochains vols. Je vous souhaite une très bonne année vol libre 2018 avec des belles virées dans le ciel et des retours aux voitures faciles.
Voile utilisée :
BGD LYNX taille S,
chargée à 80 Kg en début de vol
Distance : 245km
Vitesse moyenne : 31,1km/h
Altitude maxi : 3287m
Temps de vol : 08:15:36s
Vario positif max : +6.8m/s (Lachat de Thones)
Vario – max : -6.6m/s (en sortant du Vercors)
Distance cumulée : 329km Vitesse max : 72km/h (dans les Bauges à 3000)
Décollage : Aureille (05)
Atterrissage : Aigle (Suisse, canton de Vaud)
c’est plus joli sur syride, (que sur la CFD) la trace est colorée pour indiquer les varios et les enroulades de thermiques sont mieux dessinées. Zoomer sur la carte avec la roulette de la souris et glissez la carte avec un clic qui reste appuyé sur le bouton de la souris. Passez la souris sur le profil en bas pour suivre les données points par points. Bougez les curseurs (les gros points blancs à coté des barres rouges, oranges, bleues ,vertes), pour observer plutôt un paramètre qu’un autre (varios, altitudes, vitesses…)